Les dormants est un roman graphique signé Jonathan Munoz et publié chez Cleopas en 2013.

Les dormants c’est avant tout un conte, sombre et tendre à la fois, sur la rencontre de deux êtres différents et de la bulle hors du temps dans laquelle ils apprendront à vivre ensemble.

 

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(Bon maintenant va faire une chronique décalée sur ce genre de sujet, tiens…).

 

Mais de qui on parle au juste ?

 

Et bien de Jean, l’insomniaque amnésique et à la barbe hirsute – il part pas gagnant déjà le garçon – et de Dorine, jeune femme extravertie ayant le don étrange d’endormir tous les êtres vivants aux alentours. Un don vécu comme une malédiction puisqu’il implique qu’elle ne pourra plus jamais communiquer avec des hommes ou des animaux. Ca c’est la véritable définition du « forever alone » messieurs !

Dorine a appris à faire avec ce pouvoir, trouvant tous les moyens possibles pour tromper sa solitude et sa douleur. Alors quand elle tombe sur Jean, aussi meurtri qu’elle, mais insensible au pouvoir de la jeune fille, elle ne compte plus le laisser partir. Au grand dépit du jeune homme… Errant sans but si ce n’est celui de dormir, il echoue au village de « Bouddumonde » où il se retrouve bloqué par la destruction du seul pont les reliant à la civilisation. Et comme si ça ne suffisait pas, les habitants ont tous oublié d’allumer la lumière dans la cafetière qui leur sert de crâne… Et en plus ce sont des ploucs. Pas les gentils péquenauds un peu bourru non ! Les vrais bons bourrins feignants, méchants et puants. Mais ce sont aussi les seuls vrais ressorts comiques de l’histoire qui permettent de souffler un peu dans cette atmosphère lourde installée tout au long de l’album.

 

Ok et sinon c’est bien ?

 

J’ai beaucoup aimé l’histoire qui s’étire dans sa construction sans pour autant lasser le lecteur. Le contexte est intéressant, le dénouement malheureusement archi attendu. On découvre sans surprise le passé et la raison des insomnies du jeune homme. Mais plus que la découverte de cette vérité, c’est la façon dont elle est traitée qui donne tout son sens à cette fable. J’ai éprouvé une réelle peine pour ces personnages dépassés par les évènements… Dépassés par la vie.

Côté graphisme je n’ai pas eu de coup de coeur sur la façon de croquer les bouilles des personnages, très caricaturaux, parfois trop, mais le rendu général  n’en reste pas moins épatant. Tout l’album est traité dans des nuances de bleu et de sépia et autres couleurs pastel, comme si l’histoire elle-même n’était rien d’autre qu’un long rêve. Un rêve ponctuellement interrompu par la réalité, symbolisée par un rouge vif angoissant… La patte de Jonathan Munoz, nerveuse, est surtout intéressante en ce qu’il laisse bien souvent ses crayonnés apparaitre donnant ainsi un aspect moins factice, moins lisse que des albums complètement retravaillés à l’ordinateur (ce qui ne m’empêche pas d’apprécier Zombillénium et d’en trouver les albums magnifiques cela dit).

 

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Pas de second couteau du jour cette fois, l’histoire étant un huis-clos. Je me suis toutefois vraiment prise d’affection pour la jeune et bavarde Dorine. Quelque part j’ai l’impression de souffrir de la même malédiction qu’elle… Je garde rarement mes stagiaires de formation très éveillés… Phénomène largement amplifié pendant les phases de digestion.

Bon sur ce je vous laisse découvrir cet album ! Moi j’ai décidé de me lancer dans la lecture du premier ouvrage de l’auteur intitulé « Un léger bruit dans le moteur »… Et je pense que je laisserai la lumière allumée en me couchant cette nuit…